Le patrimoine rosier luxembourgeois
Photo ci-contre :
J. Thill, Ettelbrück (1893) – Gebrüder Thill, Ettelbrück – Lyon – Rose
Rosenzüchterei In der Ae (Straße nach Schieren) (Scan: Serge Kugener)
Historique du patrimoine rosier luxembourgeois
L’âge d’or des roses luxembourgeoises
Autour de 1900, les roses cultivées sur les champs de la Ville de Luxembourg et de ses alentours étaient exportées dans le monde entier. Jusqu’à 10 millions de plantes quittaient chaque année les roseraies luxembourgeoises pour aller fleurir, entre autres, les parcs princiers, royaux et présidentiels.
De nombreuses variétés rosières de l’époque portaient des noms de têtes couronnées, de présidents d’Etats, de célébrités de la vie publique, ainsi que de membres de familles de rosiéristes.
Les entreprises rosières les plus connues du Luxembourg étaient Soupert et Notting, Ketten Frères, Gemen et Bourg, des noms connus bien au-delà de nos frontières. En effet, les rosiéristes n’hésitaient pas à entreprendre de lointains voyages, afin de conseiller leur clientèle prestigieuse. Evrard Ketten prêta notamment main forte pour planter des roses dans le jardin du Tsar à Saint-Pétersbourg. Jean Soupert planta des roses au Brésil, dans le parc municipal de Rio de Janeiro. Notons que la renommée de la société Soupert était telle, que Jean Soupert était considéré comme étant le Roi de la rose luxembourgeoise –primus inter pares– sa réputation internationale était une valeur sûre! Plusieurs dynasties de rosiéristes sont connues.
Les rosiéristes étaient des chefs d’entreprise indépendants : Les rosiéristes luxembourgeois du XIXe siècle étaient des travailleurs indépendants. Ils étaient à la fois horticulteurs et chefs d’entreprise – en tant que tels, ils étaient des employeurs importants. En effet, il leur fallait beaucoup de main-d’oeuvre pour exploiter leurs plantations, dont la superficie pouvait atteindre un total de 100 hectares.
Jusqu’à la Première Guerre Mondiale, la création et la multiplication rosière au Luxembourg représentaient un facteur économique national. Les cultivateurs de roses étaient de véritables pionniers de l’industrie rosière et de l’ouverture du Luxembourg sur le monde. Leur engagement a valu à notre pays ouverture, notoriété et devises.
Pourquoi la plupart des rosiéristes étaient-ils installés au Limpertsberg ?
Au Congrès de Vienne de 1815, et ensuite à la Conférence de Londres de 1838, la neutralité, puis l’indépendance du Luxembourg furent garanties. De ce fait, la vocation militaire et la place forte de la Ville de Luxembourg n’avaient plus de raison d’être. Les anciennes friches militaires du glacis et du Limpertsberg, sur lesquelles jusque-là toute construction avait été défendue pour raisons stratégiques – il fallait voir approcher l’ennemi – étaient devenues disponibles aux particuliers et aux entrepreneurs. Les rosiéristes les plus importants, les chefs de file, s’installèrent de ce fait au Limpertsberg à partir de 1850. Il y en avait aussi à Beggen, Dommeldange, Walferdange, Strassen, Steinsel et Ettelbruck.
Témoins matériels du passé rosier du Luxembourg : il reste des catalogues annuels des rosiéristes, des cartes postales de vues de la Ville de Luxembourg ornées de roses, des documents relatant les pavillons du Luxembourg lors d’Expositions Internationales à l’étranger, des médailles et décorations obtenues par nos rosiéristes lors de concours, des affiches promotionnelles. Bien sûr, il nous reste des roses anciennes, autour de 60-80 encore répertoriées, sur les quelque 400 probablement créées lors de l’Age d’Or.
Photo ci-contre :
L’Exposition des Roses dans les Halls d’Exposition au Limpertsberg
11.-14.7.1936 (Carte postale: Autochrome J.-B. Fischer; Luxembourg – Imp. P. Linden; Collection: jmo) –
Déclin après la première guerre mondiale
Différents événements ont mis fin à l’âge d’or de la rose luxembourgeoise: la Première Guerre Mondiale avec l’interruption des moyens de transport et le manque de main d’œuvre masculine, les difficultés financières de la clientèle, mais aussi et surtout, l’embargo politico-économique envers un pays membre de l’Union Douanière Allemande’ (‘Deutsche Zollverein’). Pendant la Première Guerre, il était impensable qu’un résident Français passe commande au Luxembourg, considéré malgré lui comme pays ‘ennemi’. Le marché français ayant représenté autour de 75% du chiffre d’affaires de nos rosiéristes d’avant-guerre, on peut imaginer sans peine les conséquences économiques de son effondrement, notamment au niveau de l’emploi de main-d’oeuvre.
Par la suite, les cultivateurs de roses ont souffert des conséquences de la récession et du protectionnisme économiques des années 1920. Le phylloxéra, champignon attaquant les rosiers aussi bien que les vignes, a par ailleurs fortement décimé les cultures dans toute l’Europe. C’est ainsi que des 100 hectares exploités vers 1900, il n’est plus resté qu’une superficie de 10 hectares en 1939 ; la production a ensuite encore diminué pendant le Seconde Guerre Mondiale. De nos jours, on ne trouve plus ces cartes postales bordées de roses symboliques, qui avaient prévalu dans la Ville de Luxembourg pendant la première moitié du 20e siècle.
Photo ci-contre : Journées de la Rose – Ville de Luxembourg
20-23 juillet 1950 (Collection: jmo) – www.industrie.lu
Renaissance de la tradition rosière luxembourgeoise moderne
Depuis la Première Guerre Mondiale, la rose et la culture rosière étaient progressivement tombées dans le sommeil de la Belle au Bois Dormant. Le long sommeil de près de 100 ans est désormais terminé.
Depuis les années 1980, les Lëtzebuerger Rousefrënn (‘Les Amis de la Rose Luxembourg’, www.rousefrenn.lu) insufflent une nouvelle vie à la rose : participation aux jurys lors de concours rosiers, baptêmes de roses créées à l’étranger, conférences, publications, cours de taille de rosiers, concours photos, etc.
Nouvelles roses baptisées à l’occasion d’anniversaires historiques.
La rose ‘Hommage à Soupert et Notting’, baptisée en 2006, commémore le 150e anniversaire de la commercialisation des premières roses luxembourgeoises. La rose ‘Grande Duchesse Maria Teresa de Luxembourg’, baptisée en 2007, commémore le Congrès Mondial des Sociétés de Roses tenu à Luxembourg. La rose ‘Bonjour Luxembourg’ promotion 2013, commémore la 1050e anniversaire de la Ville de Luxembourg. ‘Aline Mayrisch Rose’, baptisée en 2015, commémore le 100e anniversaire de la Croix-Rouge luxembourgeoise.
Photo ci-contre :
Inauguration du Jardin de Roses du Blannenheem en présence
de Son Altesse Royale la Princesse Alexandra, mardi, 21 juin 2016 à Rollingen. Photo de l’association
Depuis 2013, des actions populaires multiples autour de la rose par l’ASBL Patrimoine Roses pour le Luxembourg
L’ASBL ‘Patrimoine Roses pour le Luxembourg’ élargit et diversifie le terrain d’action des Rousefrënn, à travers des projets populaires au Luxembourg, en stimulant la plantation de roses nouvelles et anciennes dans les jardins privés et publics.
Remettre le patrimoine rosier dans les têtes, les cœurs et les jardins.
Le principe suivant est appliqué : si on veut sauver le patrimoine rosier, il faut intéresser et sensibiliser la population, les pouvoirs publics, les médias et la jeunesse. De ce fait, les actions suivantes sont entreprises : ventes régulières de rosiers luxembourgeois anciens et modernes, création de jardins de roses, inaugurations publiques de ces jardins, création d’un Réseau National de Jardins de Roses, conférences, conférences-dîners des Roses, Dîners des roses avec remises de chèques à des associations caritatives, visites de jardins, voyages de jardins, cours de taille, pique-niques sur l’herbe, concours de dessin pour jeunes, Newsletter, sensibilisation à travers des communiqués de presse, des articles de journaux, d’autres publications ; création d’une ligne d’objets déclinés autour de la rose, comme ambassadeurs matériels du message de renouveau rosier; coopération avec de nombreuses institutions, ambassades, associations, personnes privées, etc. Un large groupe de bénévoles convivial soutient ces actions.
Quelques rosiers modernes adoptés pour le Luxembourg